« Info-Migrants » a révélé, dans son article publié le 7 août 2019, la problématique de la réévaluation des mineurs isolés étrangers.
La réévaluation, c’est quoi ? pourquoi ? par qui ? et comment ?
La réévaluation c’est quoi ?
Lorsqu’un mineur isolé a passé l’étape de l’évaluation de son âge par un Conseil Départemental, le Procureur de la République ordonne son placement provisoire.
Le Procureur de la République peut alors, si le Département ayant procédé à l’évaluation le demande, saisir la cellule nationale d’orientation des mineurs isolés, afin de permettre de « répartir » équitablement les mineurs isolés dans tous les départements de France.
C’est alors que les mineurs, évalués mineurs, et placés sur décision de justice, certes provisoire, mais belle et bien existante, se retrouvent confrontés à un jeu de hasard : la roulette russe de la réorientation.
Si le mineur a la chance d’être orienté dans un Département qui ne pratique pas la réévaluation, il sera alors accueilli et pris en charge : santé, scolarité, préparation de la régularisation sur le territoire français, etc.
Par contre, si le mineur est orienté vers des départements qui pratiquent la réévaluation, il sera alors renvoyé au point de départ : prouver qu’il est mineur à nouveau !
Comment cela est-ce possible ?
L’ordonnance de placement provisoire prévoit pourtant que le Procureur de la République a l’obligation de saisir le Juge des enfants dans un délai de 8 jours, pour qu’il décide, définitivement du placement ou d’un levée du placement.
Comment peut-on expliquer alors qu’un Département d’accueil puisse procéder à de nouveaux examens d’évaluation : expertise médicale osseuse, entretiens d’évaluation, vérification des documents d’état-civil ?
Le mineur sera alors confronté à un vraie enquête, généralement menée à charge… Toutes ses déclarations, consignées dans la première évaluation, seront confrontées à ses nouvelles déclarations, consignées dans la réévaluation, et le moindre détail sera exacerbé pour tenter de déterminer qu’il est en réalité majeur…
La réévaluation : pourquoi ?
Procéder à une nouvelle évaluation complète de la situation du mineur va permettre ensuite au Département d’accueil, qui n’a pas toujours envie de prendre en charge les mineurs isolés, de justifier plusieurs actions…
Le Département d’accueil va généralement demander au Procureur de la République de « classer » le dossier.
De façon pratique, cela revient à violer la loi !… Le Procureur va classer « sans suites » le dossier, comme s’il s’agissait d’une plainte.
Effectivement, le rôle du Procureur de la République dans le contentieux des mineurs isolés étrangers est étrange et juridiquement contestable.
Généralement, le Procureur de la République représente les intérêts de la Société. Il recueille les plaintes, ordonne des enquêtes, et enfin, décide s’il y a lieu de poursuivre devant un Tribunal ou de classer la plainte, sans suites, moyennant un rappel à la loi, une mesure de médiation, de réparation, ou autres.
Le Procureur de la République va donc raisonner comme s’il était saisi d’une plainte, alors qu’en réalité, il est « informé » par le Président du Conseil Départemental de l’existence d’un mineur isolé étranger, en danger, qu’il convient de protéger dans l’urgence.
Et le législateur a prévu que le Procureur de la République pouvait prendre une ordonnance de placement provisoire car les différents Parquets de France tiennent des permanences 24h/24, 7j/7.
Il est donc plus aisé de contacter la permanence pour signaler la situation d’un mineur isolé en danger, et obtenir immédiatement une décision provisoire de placement.
Mais lorsque le Procureur de la République a pris cette ordonnance de placement provisoire, la loi ne lui permet rien d’autre que de saisir le Juge des enfants, juge naturel de la protection des mineurs en danger, et le seul à pouvoir prendre une décision sur « le fond ».
En « classant sans suites » un signalement d’enfant en danger, alors qu’une ordonnance de placement provisoire existe, le Procureur de la République commet donc une violation de la loi.
Cependant, et pour le Département d’accueil, cela lui permet de ne plus prendre en charge le mineur isolé, et de le renvoyer d’où il vient, c’est-à-dire la rue.
Réévaluation : que faire ?
Il arrive souvent que les bénévoles et les professionnels de la protection de l’enfance soient confrontés à des réévaluations qui donnent lieu à des fin de prise en charge.
Il faut réagir immédiatement.
Saisir le Juge des enfants, ou si aucune décision n’a été notifiée au mineur, engager une procédure de référé liberté.
Rien ne permet de conclure qu’un Département est plus ou moins bien placé pour évaluer la situation et la minorité d’un jeune.
Il n’y a donc aucune raison que la réévaluation prime sur l’évaluation !
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