Violation des règles de procédure par la PAF… Le Juge annule le rapport d’expertise !

La décision :

Le 29 juin 2023, le Juge des enfants du Tribunal judiciaire de MACON a rendu une décision marquante :

PAR CES MOTIFS

Prononce la nullité du rapport d’examen technique documentaire.

C’est, à notre connaissance, la première décision en France, rendue par un Juge des enfants, dans un contentieux relatif aux mineurs non accompagnés, qui prononce la nullité d’un rapport d’expertise documentaire établi par la Police aux Frontières (PAF).

Rappel des faits et de la procédure :

À l’origine, un jeune mineur non accompagné se présente au Conseil Départemental de Saône et Loire. Il fait l’objet d’une évaluation. Le Président du Conseil Départemental prend une décision de refus de prise en charge. Le mineur se présente ensuite au Tribunal pour engager un recours. Le Juge des enfants le convoque à une audience d’assistance éducative.

Lors de la première audience, le mineur dépose des documents d’état civil. Le Juge prononce un sursis à statuer et ordonne parallèlement l’expertise documentaire des pièces d’état civil confiée à la Police aux Frontières.

La PAF adresse un rapport d’expertise au Juge des enfants, qui convoque ensuite le jeune et son avocat pour une audience. L’objectif est d’obtenir une décision sur le fond et notamment, de répondre à la question de savoir si le jeune est mineur ou majeur.

Problématique :

La problématique la plus importante avec les mineurs non accompagnés est la preuve de l’identité des jeunes qui se retrouvent face au Juge. Certains pays n’établissent pas de carte d’identité pour les mineurs. Les naissances ne sont pas été déclarées et les enfants n’ont pas « d’existence juridique », sauf à solliciter un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance. Les juridictions françaises sont suspicieuses à l’égard des documents d’état civil étrangers. Notamment parce que le fonctionnement de l’administration est différent, difficile à comprendre, parfois corrompu, et qu’il n’est pas impossible de produire des faux documents administratifs, voire même des documents authentiques mais renfermant une identité qui ne correspond pas à la réalité.

La PAF est donc quasi systématiquement sollicitée pour émettre un avis sur l’authenticité des documents d’identité ou d’état civil produits par les jeunes en recours. Cependant, il s’agit d’un service de police, français, qui n’est pas exempt de tous reproches quant aux méthodes et aux capacités d’analyse. Pourtant le rapport de la PAF a un impact énorme sur l’issue de la procédure et la décision qui interviendra.

Analyse de la motivation retenue par le Juge des enfants :

Les arguments soulevés par ADVENTIS :

Depuis de nombreux mois, le Cabinet ADVENTIS pointe inlassablement les incohérences, les erreurs, et les approximations des services de la PAF. Nous sollicitons systématiquement les juges des enfants pour qu’ils prononcent la nullité de ces rapports d’expertise.

Les décisions habituelles ne répondent pas aux arguments soulevés, ou les écartant rapidement. Pour l’instant les Cours d’appel ne répondent pas, non plus, aux arguments soulevés à l’encontre des expertises de la PAF.

Parmi les arguments soulevés, nous pouvons citer la violation du principe du contradictoire, l’absence de communication des pièces sur lesquelles l’expert fonde son avis, la violation de l’office du juge, seul admis à réaliser une analyse juridique, alors que la PAF analyse le droit étranger, ou encore des règles spécifiques de procédure sur la désignation de l’expert personne morale, la réalisation de l’expertise par une personne physique non agréée par le juge, etc.

La décision du Juge des enfants de MACON :

Le 29 juin 2023, le Juge des enfants de MACON a retenu l’argument selon lequel l’expert désigné n’était pas celui qui avait réalisé l’expertise. Le rapport est rédigé et signé par une autre personne. L’article 233 du Code de procédure civile permet à l’expert désigné de se faire assister dans tâche par un autre technicien. Il doit alors procéder sous sa responsabilité et vérifier les constatations. Le Juge a rappelé qu’aucune mention ne figurait au rapport pour s’assurer du respect de cette disposition.

Le juge annule le rapport d’expertise de la PAF de DIJON. Il disparaît donc de la procédure. Rien ne permet plus de renverser la présomption de force probante de l’article 47 du Code civil. Nous pouvons considérer dès lors que le jeune dispose d’un document valable d’identité qui devrait suffire à établir sa minorité.

La diffusion de cette première décision très satisfaisante . Elle permettra de vérifier sa reprise et sa confirmation, ou s’il s’agit simplement d’un cas d’espèce. En la matière, un argument ne doit jamais être abandonné trop rapidement car il n’est quasiment jamais retenu immédiatement !

Jugement JE MACON PAF