« Ah ça, oui ! Ils avaient bien le profil de ce qu’on leur reprochait, les trois prévenus à la barre, le quatrième s’étant évaporé dans la verte nature malgré un mandat d’arrêt.
Des casiers à rallonge : quatorze mentions pour l’un, quinze pour l’autre, huit pour le moins chargé.
Surtout pour des faits de vol ou de recel.
Ajoutez à cela le non-dit mais que certains devaient penser très fort : les prévenus appartenaient à la communauté des gens du voyage.
Logique qu’on pense avoir à faire aux auteurs de deux vols avec effraction et en réunion commis dans la nuit du 27 au 28 septembre 2011. Les gendarmes en patrouille avaient repéré une voiture signalée comme ayant été volée quelques heures avant. Ils l’avaient prise en chasse et l’avaient perdue. Mais retrouvée quelques dizaines de minutes plus tard, stationnée près d’une habitation.
Pour l’accusation, les choses étaient simples : les gendarmes avaient encerclé la maison, personne n’avait pu en sortir avant leur intervention au petit matin. Dans cette habitation, il y avait six adultes ; donc, les quatre auteurs étaient obligatoirement parmi ceux-là. Comme deux avaient été mis hors de cause, les quatre coupables étaient devant les juges, point barre. Tout le monde au trou pour huit mois voire un an et circulez, y a rien à voir !
Quinze minutes de délibération
Mais une audience correctionnelle, c’est un débat contradictoire et les avocats sortent de leur manche ou, plutôt, du dossier tous les éléments que l’accusation passe sous silence parce qu’ils ne vont pas dans le bon sens.
Jeudi, Mes Florence Carle, Boris Labbé et Jérôme Damiens-Cerf se sont acharnés à mettre au grand jour tous les manques, imprécisions et contradictions du dossier.
Quatre auteurs ? Jamais les gendarmes n’ont établi qu’ils étaient quatre : le seul qui les a vus dans la voiture poursuivie dit qu’ils étaient au moins deux.
Et la vidéo d’un des sites visités montre un seul homme. Alors, les trois autres seraient complices ? Mais ils ne sont pas poursuivis pour cela mais comme auteurs.
Rien que six personnes dans la maison ? Peut-être au moment de l’arrivée des gendarmes mais, avant, entre l’arrivée de la voiture volée et la leur ?
Une empreinte de basket retrouvée sur les lieux du vol et qui présente des ressemblances avec celle d’un des prévenus ? Des milliers de jeunes portaient ces chaussures, et il n’y a eu aucune investigation pour comparer les pointures.
Ne restait donc à charge des prévenus que les déclarations des deux adultes mis hors de cause.
Déclarations variables au fil du temps et qui comportaient des incohérences. Et qui les avaient écartés de l’affaire.
Mise hors de cause en récompense d’un témoignage dans le bon sens ? « Dans ce dossier, je ne suis pas face au doute, a plaidé l’un des avocats, je suis face à un vide, celui du dossier. Nous ne sommes pas aux assisesoù prime l’intime conviction. Nous sommes en correctionnelle où prime le dossier, rien que le dossier. »
C’est sans doute celui-ci, mal ficelé, qui a justifié la relaxe prononcée par le tribunal. Après une délibération d’à peine un quart d’heure : un délai qui sonne comme une condamnation sévère pour l’enquête et l’instruction. »
François Bluteau
Source : LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE
http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Faits-divers-justice/n/Contenus/Articles/2015/04/18/Dossier-mal-ficele-les-prevenus-relaxes-2299714